C'est la carte des flots faite dans la tempête, La carte de l'écueil qui va briser sa tête : Aux voyageurs futurs sublime testament.
"- Ci-joint est mon journal, portant quelques études Des constellations des hautes latitudes. Qu'il aborde, si c'est la volonté de Dieu !"
ALFRED DE VIGNY
De l'Autre Coté de la Bouteille
# Bienvenue ô toi lecteur & internaute sur mon blog, La Bouteille à la Mer ! Sache que dans cette Dive Bouteille seront jetées, au gré du vent, sur le papier et à la mer, les bribes de mes lectures mais aussi de certaines de flâneries culturelles et bien d'autres balivernes pareilles. Si elle te parvient, ne la jette pas par terre, ça ne serait pas écolo du tout. #
# Coming Soon #
Mon RDV "Un mois, un extrait"
Soumettez-moi vos extraits et écrivez votre article en invité. Rdv Rubrique "Contact".
Ceux qui me suivent sur ma page Facebook le savent déjà, j'ai décidé de continuer mon aventure littéraire et culturelle sur La Bouteille à la Mer dans d'autres eaux, à savoir Wordpress.
J'espère que l'endroit vous plaira autant qu'ici et que je vous y retrouverai là-bas souvent pour les plus fidèles d'entre vous qui se reconnaîtront. La Bouteille à la Mer va bientôt fêter ses deux ans d'existence et ses un an d'activité régulière et j'espère que je pourrais fêter avec vous d'autres bougies avec autant de bonnes bouteilles tout droit venues de la cave de ce blog.
Pour les derniers commentaires auxquels je n'aurais pas répondu (et il y en a à la pelle, j'ai honte), il est fort possible que j'y réponde sur Wordpress. Je m'excuse du dérangement et j'espère que vous pourrez retrouver mes réponses plus ou moins facilement.
J'en profite pour vous remercier, vous tous, ceux et celles qui ont rendu ce blog vivant en partageant leurs impressions dans leurs gentils commentaires ou sur Facebook, parfois brièvement, parfois plus longuement (mais j'adore particulièrement les pavés!), j'ai apprécié chaque échange (j'espère que c'est réciproque) et je vous remercie de votre fidélité.
Merci aussi aux fantômes, les timides et les discrets, qui m'ont lu sans se manifester. Je connais l'identité de certains, d'autres resteront les éternels anonymes et c'est parfait comme ça.
Comme dans tout changement qui arrive, n'hésitez pas à profiter de ce déménagement pour partager vos suggestions si vous voulez que je change certaines choses dans ma façon de bloguer, si mon rendez-vous mensuel vous plait ou non par exemple ou si vous avez envie que je parle plus de certains sujets, par exemple de musique, de cinéma ou d'expos. J'accepte toutes les critiques (quand elles sont judicieuses) et ça sera à plaisir de satisfaire à vos demandes, mêmes les plus folles (ou pas).
“The injustice of it is about perfect—the wrong people going hungry, the wrong people being loved, the wrong people dying… while the rest of the world is being blown to bits around us what matters — me, me me.” Jimmy Porter (Richard Burton) in Look back in Anger de Tony Richardson (1959)
Ça vous avez manqué ? Après près de mois mois d'absence faute de temps et d'inspiration, mon rendez-vous "Un mois, un extrait" est enfin de retour et, pour rendre hommage au mois anglais qui touche bientôt à sa fin (hélas !), je vais mettre à l'honneur non seulement un auteur anglais mais aussi un genre dont je ne parle pas assez souvent sur La Bouteille à la Mer, j'ai nommé : le théâtre !
Mais, comme d'habitude, pour ceux qui auraient raté les derniers épisodes, petite piqûre de rappel sur ce rendez-vous (normalement) mensuel où vous pouvez participer !
Qu'est-ce qu'"Un mois, un extrait" ?
C'est un rendez-vous mensuel que j'ai créé pour varier mes lectures et multiplier les moments de partage entre ceux qui me lisent et moi-même. Avant chaque premier du mois, il suffit de me contacter et de me faire parvenir vos idées soit par courriel (l'adresse est disponible dans la rubrique « Contact », voir en haut de page), soit en me laissant un commentaire en bas de ce billet ou sur la page Facebook de « La Bouteille à la Mer ».
Vous pourrez écrire votre propre article en invité ou, faute de temps à y consacrer, écrire un petit topo pour expliquer votre lien avec l'extrait en question et je me charge de mettre en forme un article où vous (et/ou votre blog) seront cités.Aucune obligation de posséder un blog ou d'être un(e) grand(e) spécialiste en littérature. C'est surtout le partage qui compte qui que vous soyez et quelques soient vos goûts. Je suis toujours curieuse de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux genres et c'est l'occasion !
"Dans les épisodes précédents", "Un mois, un extrait" a fait découvrir :
Vous pouvez retrouver l'intégralité des articles et leurs extraits dans la rubrique "Un mois, un extrait"en haut de page.
J'ai parlé ici encore moins de théâtre anglais (ou de théâtre tout court) que de théâtre contemporain et ce n'est pas faute d'aimer le théâtre et suivre de près ou de loin les programmations culturelles chaque année. Mais faute de temps et de moyens, ce n'est pas possible d'assouvir systématiquement ma passion pour le théâtre.
Quand j'ai pensé vous parlé d'une pièce anglaise, j'ai bien sûr tout de suite songé à Shakespeare, notre maître à tous, mais à mon habitude, j'aime sortir des sentiers battus ce qui m'a demandé un peu de recherche pour trouver un dramaturge anglais et contemporain qui pourrait satisfaire mes goûts.
John OSBORNE
C'est ainsi que j'ai porté mon choix sur John Osborne et sa pièce Look Back in Anger (1956), traduite en français (et c'est de circonstance aujourd'hui !) : La Paix du dimanche. John Osborne (1929-1994) fait partie de cette génération d'auteurs appelés par la critique de "Angry Young Men" (les jeunes gens en colère) qui contre le snobisme, le maniérisme et l'art pour l'art de la génération précédente, affirme une esthétique volontairement hyper-réaliste et concrète, proche du quotidien, et critique d'un regard cynique et désabusé la société des années 40-50 du point de vue d'auteurs aux origines généralement modestes et de la classe travailleuse.
Richard Burton (Jimmy) & Mary Ure (Allison) in Look Back in Anger (1959)
Quoi de mieux que le théâtre pour mettre en oeuvre cette critique acerbe ? La place du quotidien, de la routine a une grande place dans Look Back in Anger puisque l'action se situe dans un appartement modeste, celui de Jimmy et Allison Porter en compagnie de l'ami et associé de Jimmy, Cliff Lewis, un dimanche en pleine lecture des journaux quotidiens pendant qu'Allison repasse. Quoi de plus ennuyeux qu'un dimanche ? Cette monotonie du quotidien, c'est justement ce qui met en colère Jimmy, un parfait anti-héros plein de ressentiment contre la société, contre la bourgeoisie (dont est issue sa femme), contre Allison si calme, si passive et finalement contre lui-même, lui qui se considère comme une cause perdue.
Richard Burton (Jimmy)
Voilà ce qui anime Jimmy, la colère. Ça n'en fait pas un personnage sympathique mais pas non plus antipathique. A vrai dire, il nous ressemble trop pour le traiter seulement d'enfoiré lui qui pousse à bout sa femme, qui la rabaisse, qui en vient même par accident à la blesser, qui critique son beau père le colonel et sa mentalité edwardienne. Quand on se regarde dans le miroir, on est tous à un moment donné en colère contre tout et tous et surtout contre nous-même. Au milieu de tout ça, il y a Cliff qui essaye tant bien que mal d'apaiser tout le monde, de défendre Allison, de remettre à sa place Jimmy, d'essayer que ce couple recolle les morceaux. En fin de compte, c'est lui "la paix du dimanche". Est-ce que cette paix sera retrouvée à la fin de la pièce ? A vous de le découvrir en lisant Look Back in Anger mais avant ça, laissez-vous tenter par cet extrait qui met en scène Jimmy dans toute sa splendeur, à savoir, une colère totale qui ferait presque passer Achille pour un amateur du dimanche !
Look Back in Anger (La paix du dimanche) de John Osborne - Extrait de l'Acte I
JIMMY: Why do I do this every Sunday? Even the book reviews seem to be the same as lastweek's. Different books—same reviews. Have you finished that one yet?
CLIFF: Not yet.
JIMMY: I've just read three whole columns on the English Novel. Half of it's in French. Do the Sunday papers make you feel ignorant?
CLIFF: Not 'arf.
JIMMY: Well, you are ignorant. You're just a peasant. (To Alison.) What about you? You're not a peasant are you?
ALISON: (absently). What's that?
JIMMY: I said do the papers make you feel you're not so brilliant after all?
ALISON: Oh—I haven't read them yet.
JIMMY: I didn't ask you that. I said—
CLIFF: Leave the poor girlie alone. She's busy.
JIMMY: Well, she can talk, can't she? You can talk, can't you? You can express an opinion. Or does the White Woman's Burden make it impossible to think?
ALISON: I'm sorry. I wasn't listening properly.
JIMMY: You bet you weren't listening. Old Porter talks, and everyone turns over and goes to sleep. And Mrs. Porter gets 'em all going with the first yawn.
CLIFF: Leave her alone, I said.
JIMMY: (shouting). All right, dear. Go back to sleep. It was only me talking. You know? Talking? Remember? I'm sorry.
CLIFF: Stop yelling. I'm trying to read.
JIMMY: Why do you bother? You can't understand a word of it.
CLIFF: Uh huh.
JIMMY: You're too ignorant.
CLIFF: Yes, and uneducated. Now shut up, will you?
JIMMY: Why don't you get my wife to explain it to you? She's educated. (To her.) That's right, isn't it?
CLIFF: (kicking out at him from behind his paper). Leave her alone, I said.
JIMMY: Do that again, you Welsh ruffian, and I'll pull your ears off.
He bangs Cliff's paper out of his hands.
CLIFF: (leaning forward). Listen—I'm trying to better myself. Let me get on with it, you big, horrible man. Give it me. (Puts his hand out for paper.)
ALISON: Oh, give it to him, Jimmy, for heaven's sake! I can't think!
CLIFF: Yes, come on, give me the paper. She can't think.
JIMMY: Can't think! (Throws the paper back at him.) She hasn't had a thought for years! Have you?
ALISON: No.
(...)
CLIFF: Give me a cigarette, will you?
JIMMY (to Allison) : Don't give him one.
CLIFF: I can't stand the stink of that old pipe any longer. I must have a cigarette.
JIMMY: I thought the doctor said no cigarettes?
CLIFF: Oh, why doesn't he shut up?
JIMMY: All right. They're your ulcers. Go ahead, and have a bellyache, if that's what you want. I give up. I give up. I'm sick of doing things for people. And all for what? Alison gives Cliff a cigarette. They both light up, and she goes on with her ironing. Nobody thinks, nobody cares. No beliefs, no convictions and no enthusiasm. Just another Sunday evening.
Cliff sits down again, in his pullover and shorts.
Perhaps there's a concert on. (Picks up Radio Times) Ah. (Nudges Cliff with his foot.) Make some more tea. Cliff grunts. He is reading again. Oh, yes. There's a Vaughan Williams. Well, that's something, anyway. Something strong, something simple, something English. I suppose people like me aren't supposed to be very patriotic. Somebody said—what was it— we get our cooking from Paris (that's a laugh), our politics from Moscow, and our morals from Port Said. Something like that, anyway. Who was it? (Pause.) Well, you wouldn't know anyway. I hate to admit it, but I think I can understand how her Daddy must have felt when he came back from India, after all those years away. The old Edwardian brigade do make their brief little world look pretty tempting. All homemade cakes and croquet, bright ideas, bright uniforms. Always the same picture: high summer, the long days in the sun, slim volumes of verse, crisp linen, the smell of starch. What a romantic picture. Phoney too, of course. It must have rained sometimes. Still, even I regret it somehow, phoney or not. If you've no world of your own, it's rather pleasant to regret the passing of someone else's. I must be getting sentimental. But I must say it's pretty dreary living in the American Age—unless you're an American of course. Perhaps all our children will be Americans. That's a thought isn't it? He gives Cliff a kick, and shouts at him. I said that's a thought!
(...)
JIMMY: (moving in between them). Have you ever seen her brother? Brother Nigel? The straight-backed, chinless wonder from Sandhurst? I only met him once myself. He asked me to step outside when I told his mother she was evil minded.
CLIFF: And did you?
JIMMY: Certainly not. He's a big chap. Well, you've never heard so many well-bred commonplaces come from beneath the same bowler hat. The Platitude from Outer Space—that's brother Nigel. He'll end up in the Cabinet one day, make no mistake. But somewhere at the back of that mind is the vague knowledge that he and his pals have been plundering and fooling everybody for generations. (Going upstage, and turning.) Now Nigel is just about as vague as you can get without being actually invisible. And invisible politicians aren't much use to anyone—not even to his supporters! And nothing is more vague about Nigel than his knowledge. His knowledge of life and ordinary human beings is so hazy, he really deserves some sort of decoration for it— a medal inscribed "For Vaguery in the Field". But it wouldn't do for him to be troubled by any stabs of conscience, however vague. (Moving down again.) Besides, he's a patriot and an Englishman, and he doesn't like the idea that he may have been selling out his countryman all these years, so what does he do? The only thing he can do—seek sanctuary in his own stupidity. The only way to keep things as much like they always have been as possible, is to make any alternative too much for your poor, tiny brain to grasp. It takes some doing nowadays. It really does. But they knew all about character building at Nigel's school, and he'll make it all right. Don't you worry, he'll make it. And, what's more, he'll do it better than anybody else!
There is no sound, only the plod of Alison's iron. Her eyes are fixed on what she is doing. Cliff stares at the floor. His cheerfulness has deserted him for the moment. Jimmy is rather shakily triumphant. He cannot allow himself to look at either of them to catch their response to his rhetoric, so he moves across to the window, to recover himself, and look out. It's started to rain. That's all it needs. This room and the rain. He's been cheated out of his response, but he's got to draw blood somehow.
"You talk easily of hours, sir. How long do you think an hour is to a man who is choking for want of air?"
Synopsis
"Little Dorrit", voilà comment on surnomme Amy Dorrit, une jeune femme de 21 ans menue mais grande par son courage qui est née et continue à vivre à la Maréchaussée, la prison pour dettes de Londres, prenant soin de son père captif, connu pour être"le Père de la Maréchaussée" tant sa détention fut longue. Libre de sortir pour subvenir aux besoins de sa famille, Amy est recommandée aux Clennam, une famille de riches négociants où elle est employée pour des travaux de couture par Mrs Clennam, une vieille femme solitaire, acariâtre et paralysée des jambes qui, malgré son tempérament autoritaire, la traite avec tendresse. Son fils Arthur revient au pays après quinze ans d'absence pendant lesquelles il a servi de bras droit à son père dans ses affaires en Chine. Sur son lit de mort, son père lui confie une montre à gousset à remettre à sa mère, visiblement torturé par l'idée de "réparer" quelque chose... Obsédé par les dernières paroles de son père, Arthur devine qu'un lourd secret entoure sa famille et il s'apprête à tout mettre en oeuvre pour le découvrir. Pourquoi n'est-ce pas un hasard si Mrs Clennam emploie Amy, elle si peu habituée aux œuvres de charité ? Amy serait-elle impliquée dans ce lourd secret qui pourrait ruiner à jamais la réputation de la maison Clennam ? Arthur se lie rapidement d'amitié avec Amy, devient un bienfaiteur pour son père et pourrait bien être sur le point de changer leur vie à jamais.
Après Les Piliers de la Terre et surtout Ripper Street, je continue ma folle aventure dans la filmographie de Matthew MacFadyen qui est en train de devenir un de mes acteurs fétiches ce qui n'était pas gagné au départ. Je suis tombée sous le charme d'un nouvel period dramaLittle Dorrit (2008) où il joue l'un des rôles principaux, celui de l'adorable Arthur Clennam, un vrai gentleman. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, cette mini-série n'a pas été distribuée en France ce qui m'a permis de la voir en VO et donc profiter pleinement de la voix profonde et grave de Matthew MacFadyen, parfaite pour la narration et ce n'est pas étonnant s'il a beaucoup lu pour le public comme ce poème de W.B. Yeats que j'écoute avec tant de plaisir, "When you are old" :
L’héroïne de cette série, Amy, interprétée par Claire Foy (connue pour son rôle de Julia dans Being Human) que je ne connaissais pas, a été pour moi une vraie découverte et son personnage est touchant sans être larmoyant, courageuse sans être héroïque et amoureuse sans être niaise. Grâce à l'interprétation de son actrice qui passe très bien de l'humilité et de la discrétion, de la tristesse à l'indignation, c'est un personnage tout en nuance et profondément unique qui va vous toucher, vous attendrir et même vous faire un peu pleurer. Je me suis beaucoup identifiée à elle et je trouve que dans ce genre de period drama où l'on rencontre beaucoup de personnages pauvres, elle se distingue par sa force de caractère et son stoïcisme qui lui permet d'être heureuse même dans sa condition de fille-infirmière pour son père. Elle ne se plains jamais de son sort et c'est peut-être ce qui fait qu'elle mérite d'autant plus d'être aidée par Arthur.
En tant qu’héroïne, elle a bien sûr droit à de très jolies scènes, parfois tendres, parfois poignantes, comme celle où elle jette à l'eau le bouton de manchette d'Arthur qu'elle a conservé, comme une façon de renoncer définitivement à en être aimée puisque sa famille vit à son crochet. Il y a aussi cette scène splendide et très poétique où elle raconte une histoire à son amie Maggy (Eve Myles) qui est une sorte de métaphore de sa relation avec Arthur Clennam, qui est le premier à prendre pitié du sort de sa famille.
"Once upon a time there was a princess. And she had everything that you could wish for and a great deal more. Now, near the palace was a cottage in which live a poor, little, tiny woman. All alone. Quite a young one. And one day, the princess stopped at the cottage and said to the tiny woman, "Let me see what you keep there." And the tiny women open her very secret place and showed the princess a shadow. It was the shadow of someone who'd gone by many years ago. "And you keep watch over this every day?" said the princess. "Yes," said the tiny woman. "Because no one so good or kind had ever passed that way ever since." She realized that for all of her gold and silver and diamonds and rubies, she had nothing so precious to her as that shadow was to that tiny woman."
L'une des perles de cette mini-série, c'est aussi le thème musical composé par John Lunn qui revient à chaque moment charnier et dramatique, à la fois triste et intense, lent et rapide ce qui symbolise assez bien les hauts et les bas de l'histoire d'Amy Dorrit. C'est une mélodie qui vous restera en tête, preuve que c'est une très bonne mélodie. Elle me rappelle un peu la musique de Downton Abbey, ce qui n'est pas si idiot puisque John Clunn a aussi. composé pour cette série
Little Dorrit est aussi très beau esthétiquement avec une photographie à la fois très sombre dnas la partie londonienne, et très colorée et lumineuse dans les moments passés en Italie par la famille Dorrit et particulièrement à Venise, un lieu vraiment emblématique pour moi que je retrouve toujours avec tendresse à l'écran. Les scènes à Venise ont toutes un coté très intimistes et poétiques et c'est un moment pour Amy de grand émerveillement qu'on partage avec elle très facilement.
Le grand intérêt de cette série, c'est bien sûr le mystère qui entoure la famille d'Arthur Clennam et qui implique Amy Dorrit derrière les dernières volontés de son père : "Arthur... Your mother... Put it right..."et derrière l'enigmatqiue inscription cachée dans la montre à gousset de son père "Do not forget".Réparer quoi ? Ne pas oublier quoi ? Qui les Clennam ont-il lésé ? Pourquoi cela déshonorerait-il autant les Clennam ? Mrs Clennam (Judith Parfitt) et son domestique Mr Flintwinch semblent être mieux renseignés que les autres mais restent plus silencieux qu'une tombe sur le sujet. Mais Blandois, un notoire meurtrier français (Andy Serkis) qui fait plus froid dans le dos que Gollum va rapidement découvrir leur secret et, bien sûr, leur tirer les vers du nez, moyennant sonnantes et trébuchantes pour payer son silence...
Comme beaucoup de period drama, Little Dorrit brille par ses personnages secondaires. Tom Courternay, qui joue le père d'Amy, William Dorrit, joue avec beaucoup de justesse ce personnage, à demi-fou, bouffi de fierté mais aussi souffrant de sa captivité qui n'en finit pas. Je pense à une scène très poignante en particulier à l'épisode 4 qui est peut-être le climax de sa détresse. Vraiment heart-breaking :
"What does it matter whether I eat or starve? What does it matter whether such a blighted life as mine comes to an end, now, next week, or next year? What am I worth to anyone? Oh, Amy ! If you could see me as your dear mother saw me. I was young, I was accomplished, good-looking and people sought me out, and envied me. They envied me! And yet I have some respect, here. I am not quite trodden down. Go out and ask who is the chief person in the place. They'll tell you "it's William Dorrit". Go and ask who is never trifled with, and they'll tell you "it's William Dorrit". Go and ask what funeral here will make more talk, yes and perhaps more grief, than any that has ever gone out at the gate. They'll tell you "Its William Dorrit." William Dorrit.!William Dorrit! William Dorrit!"
Il y a aussi John Chivery, le fils du gardien de la Maréchaussée, qui est très touchant en amoureux transi et qui a plusieurs scènes vraiment privilégiées pour un personnage si secondaire. Je ne connaissais pas Russell Tovey, encore un revenant venu de Being Human mais j'ai hâte de le revoir dans d'autres productions. Plus que tout, j'ai été très touchée par le personnage de Maggy, l'amie d'Amy, qui est retardée mentalement n'ayant pas évolué depuis ses dix ans à cause d'une fièvre. Elle est vraiment touchante et très bien jouée par Eve Myles qui a beaucoup de talent et qui joue son rôle avec beaucoup de justesse. Et, on retrouve avec plaisir Arthur Darvill, ce cher Rory dans Doctor Who bien que son personnage ne soit pas des plus réluisants et marquants. Any way, ça fait plaisir de revoir sa frimousse rousse.
En bref, autant pour son casting que pour Matthew MacFadyen, pour la BBC ou pour Dickens, ne ratez pas Little Dorrit si vous avez l'occassion de vous le procurer. Vous vous offrirez un moment bien divertissant plein de mystère, de tendresse, d'amitié et un peu d'amour... Little Dorrit est parfait pour l'été qui commence aujourd'hui.
Où se procurer Little Dorrit ?
Little Dorrit (BBC, 2008), une mini-série produite par Andrew Davies de 14 épisodes de 29 minutes, d'après le roman de Charles Dickens. Avec Claire Foy (Amy Dorrit), Matthew MacFadyen (Arthur Clennam), Tom Courtenay (William Dorrit), Judith Parfitt (Mrs Clennam), Russell Tovey (John Chivery), Freema Agyeman (Tattycoram), Eve Myles (Maggy), Arthur Darvill (Edward "Tip" Dorrit) et Andy Serkis (Rigaud/Blandois).
"Il est néfaste pour celui qui veut écrire de penser à son sexe."
L'argument
Pourquoi les pièces de Shakespeare n'ont pas été écrites par une femme ? Quelles sont les conditions autant matérielles que morales pour écrire une oeuvre de fiction ? Quand les femmes ont-elles arrêté d'écrire pour se plaindre pour enfin faire oeuvre d'art ? Dans cette conférence de 1929 sur les femmes et le roman, Virginia Woolf nous entraîne dans une promenade à travers les siècles, de l'époque élisabéthaine au monde contemporain depuis le droit de vote accordé aux femmes, pour entreprendre une véritable généalogie des conditions favorables et défavorables de l'écriture féminine pour enfin s'interroger sur la différence des sexes et pour conseiller les futures femmes de lettres sur ce qui doit les guider dans l'écriture.
Même dans ses essais, on retrouve l'amour de Virginia Woolf pour la fiction que cela soit, avec sérieux pour son propos en discutant de la relation entre les femmes et la fiction ou dans sa propre écriture où chaque chapitre (comptez-en six) prend les airs d'une mise en scène littéraire qui nous fait suivre une narratrice, Mary, dans son voyage à travers les époques sur les traces des femmes écrivains.
Le premier chapitre nous emmène à Oxbridge, une université fictive entre Oxford et Cambridge, où les femmes ne sont pas autorisées à marcher sur le gazon ou à entrer dans une bibliothèque sans lettre de recommandation. Au second chapitre, on la retrouve dans la maison de sa tante pendant et après un repas où la digestion est propice à la réflexion sur les femmes mais aussi au coeur de ses recherches dans les rayonnages du British Museum où elle se met en colère contre l'affirmation selon laquelle "les femmes [seraient] intellectuellement, moralement et physiquement inférieurs aux hommes". Le troisième chapitre se situe au coeur du XVIe siècle où face au génie de Shakespeare, sans égal, la narratrice retrace le destin de la soeur du dramaturge, Judith, vouée à l'oubli malgré les mêmes talents que son frère sans être permise à cause des circonstances d'écrire une seule ligne pour, tragiquement, se donner la mort se découvrant enceinte..
Le quatrième temps de son voyage est celui des pionnières sorties de l'anonymat avec Jane Austen et Charlotte Brontë, deux modèles opposés qui abordent l'écriture avec deux esprits différents, l'un avec confiance, l'autre avec rancune contre ces hommes qui lui ont empêché de visiter le vaste monde. C'est à ce moment-là que les femmes de lettres entrent vraiment dans l'Histoire et, c'est au chapitre 5 et 6, que Virginia Woolf s'attaque au lourd débat sur la différence des sexes où, à la suite de Coleridge, elle adhère à l'idée que les grands écrivains sont ni des hommes, ni des femmes mais délibérément androgynes. Ce profil de l'écrivain androgyne, qui garde l'équilibre entre son coté masculin et son coté féminin , est proprement l'aspect le plus fictionnel dans Une chambre à soi et fait écho par exemple à la figure d'Orlando, ce génie androgyne et immortel.
Aphra Behn
Christina Rossetti
Ce que j'ai trouvé passionnant dans cet essai, c'est l'hommage que Virginia Woolf rend à toutes ces femmes de lettres oubliées et qui, pourtant, sont des pionnières qu'il s'agit de faire revivre. J'ai aimé rencontrer certaines figures comme Christina Rossetti, la soeur du peintre préraphaélite Dante Gabriel Rossetti, ou Aphra Behn, cette dramaturge de la Restauration, ou encore la figure fictive de la soeur de Shakespeare qui est une invention prodigieusement géniale et très inspirante. D'ailleurs, la soeur de Shakespeare est en quelque sorte l'âme de toute écrivain féminine en puissance, comme un modèle à suivre et à faire survivre ce qui me touche d'autant plus, moi qui aime tant écrire :
"Je vous ai dit au cours de cette conférence que Shakespeare avait une sœur ; mais n’allez pas à sa recherche dans la vie du poète écrite par sir Sidney Lee. Cette sœur de Shakespeare mourut jeune… hélas, elle n’écrivit jamais le moindre mot. Elle est enterrée là où les omnibus s’arrêtent aujourd’hui, en face de l’Elephant and Castle. Or, j’ai la conviction que cette poétesse, qui n’a jamais écrit un mot et qui fut enterrée à ce carrefour, vit encore. Elle vit en vous et en moi, et en nombre d’autres femmes qui ne sont pas présentes ici ce soir, car elles sont en train de laver la vaisselle et de coucher leurs enfants. »
J'ai aimé aussi retrouvé la figure de Jane Austen qui est un tel pivot dans cette histoire de la condition des femmes de lettres. Elle n'écrit pas comme les autres, elle qui fait partie de ces femmes qui font "se mettre à faire usage de l’écriture comme d’un art et non plus comme d’un moyen pour s’exprimer elles-mêmes." Même en n'ayant pas eu une chambre à elle, on la voit écrire dans cette pièce commune, ce petit théâtre d'observation des mœurs d'alors, interrompue de ci delà par telle ou telle tâche domestique et surtout cachant ses romans sous une feuille de buvard dès qu'un étranger entre dans la pièce. Comme cette jeune femme a réussi à égaler Shakespeare dans cette pièce commune, ça reste un mystère...
Une chambre à soi est bien sûr traversé par le féminisme tout particulier de son auteur mais pourtant, il échappe aux travers de l'exaltation de la femme et de ses qualités ou du mépris de la gente masculine pour aborder le sujet de la condition matérielle nécessaire à l'écriture d'un roman par une femme d'un point de vue presque neutre, suivant un esprit critique des plus honnêtes. Virginia Woolf rejette dos à dos d'un coté la supériorité masculine sur les femmes mais tout simplement la différence entre les sexes en dénonçant ce système comme enfantin comme s'il y avait deux camps adverses dans une cour de récréation.
« Toute cette opposition de sexe à sexe, de qualité à qualité, toute cette revendication de supériorité et cette imputation d’infériorité, appartiennent à la phase des écoles primaires de l’existence humaine, phase où il y a des « camps », et où il est nécessaire pour un camp de battre l’autre et de la plus haute importance de monter sur l’estrade et de recevoir des mains du directeur lui-même une coupe hautement artistique. A mesure que les gens avancent vers la maturité, ils cessent de croire aux camps et aux directeurs d’école ou aux coupes hautement artistiques. De toute manière, quand il s’agit de livres il est notoirement difficile d’étiqueter de façon durable leurs mérites. »
C'est cette exigence de ne pas vouloir choisir entre l'homme te la femme qui l'amène à défendre la cause de l'androgyne qui est une sorte de variante littéraire du genre qui met en relation l'homme et la femme non pas à des fins sociales mais bien d'écriture littéraire. Virginia Woolf cite de nombreux auteurs androgynes : Shakespeare étant le premier, Keats, Coleridge et Proust qui, quant à lui, chose rare chez un homme favorise son coté féminin. Cette posture de l'androgyne l'amène non seulement à citer les conditions matérielles qui favorisent l'écriture, c'est-à-dire l'indépendance financière et un espace consacré à la seule écriture :
"Il est nécessaire d'avoir cinq cents livres de rente et une chambre dont la porte est pourvue d'une serrure, si l'on veut écrire un oeuvre de fiction ou une oeuvre poétique."
Mais, cette posture androgyne doit aborder l'écriture dans un certain esprit : on n'écrit pas en cherchant la gloire, ni en se projetant dans l'avenir pour savoir quelle postérité aura nos œuvres mais bien avec "la liberté de penser les choses en elles-mêmes" conçue comme une vraie délivrance. L'écriture ne sert pas à convaincre, à persuader ou à faire effet sur qui que ce soit mais elle vaut en elle-même sa propre valeur. L'écriture, c'est tout simplement se faire plaisir et faire de ce plaisir sa philosophie de vie et ne jamais se laisser décourager dans sa tâche :
"Ecrivez ce que vous désirez écrire, c’est tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera pendant des siècles ou pendant des jours. Mais sacrifier un cheveu de la tête de votre vision, une nuance de sa couleur, par déférence envers quelque maître d’école tenant une coupe d’argent à la main ou envers quelque professeur armé d’un mètre, c’est commettre la plus abjecte des trahisons."
« "Ne songez pas à influencer les autres ", voilà ce que j’aimerais vous dire si je savais comment donner à ces mots une sonorité exaltante. Pensez aux choses en elles-mêmes. »
Après avoir lu Une chambre à soi, on a envie de relever le défi que Virginia Woolf nous lance et de commencer tout de suite à écrire, ou de continuer, pour ne jamais, jamais s'arrêter dans notre chambre à soi fermée à double tours.
Où se procurer Une chambre à soi ?
Une chambre à soi de Virginia Woolf
10/18 - 171p. EUR 5, 80
Disponible sous le titre Une pièce bien à soi
Rivages - EUR 6, 70
Une chambre à soi de Virginia Woolf est ma troisième contribution au Challenge Virginia Woolf chez Lou et ma cinquième contribution au mois anglais chez Lou et Titine.
"Pour le moment, il nous échappe. Mais c'est sa importance. Demain nous courrons plus vite, nous tendrons les bras plus avant... Et un beau matin... Et nous luttons ainsi, barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé."
L'intrigue
Deux ans après sa rencontre avec Jay Gatsby, Nick Carraway se remémore les circonstances qui ont conduit à faire de cet été 1922 un moment inoubliable. Il y raconte son histoire faite de folie, d'ivresse et de drames et y rend hommage à Gatsby, à jamais "magnifique". Le tout New York se retrouve toutes les nuits à Long Island et plus particulièrement à West Egg dans la riche et irréelle demeure de Gatsby : tout le monde a son nom à la bouche et pourtant, personne ne le connait. Des rumeurs, plus extravagantes les unes que les autres, se répandent mais Gatsby ne va se confier qu'au plus banal de ses invités, Nick, et lui révéler le secret et le rêve de sa vie: ressusciter le passé.
Il m'aura fallu trois semaines pour digérer la dernière adaptation de Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann et, aux grands maux les grands remèdes, j'en ai profité pour lire le roman initial de Francis Scott Fitzgerald pour me réconcilier durablement avec Gatsby. Ce n'est pas faute d'avoir été emportée par la sobriété enfin retrouvée de la fin du film et, surtout par les derniers mots du narrateur en voix off, exactement à l'identique de ceux avec lesquels Fitzgerald a voulu finir son roman. Mais, pour ne pas nécessiter une digestion de trois semaines, il aurait fallu que le film dans son intégralité soit à la hauteur de sa fin et ne pas rattraper en catastrophe un spectateur déjà perdu depuis une heure et demi de projection et qui n'a qu'une seule envie : retourner chez lui.
En contraste, le roman de Fitzgerald aura su happé son lecteur dès le premier chapitre jusqu'au dernier avec un style exquis, aérien et, par touches, poétique où, par exemple, même la description d'une ville minière sordide en bordure de voie ferrée de la banlieue new-yorkaise prend des airs de mythe de la création où de la vallée des cendres émerge des formes humaines surgissant de la poussière pour y retourner aussitôt, des maisons, des cheminées enfumées et, en surplomb, comme la relique de cette ville sans Dieu, le motif du panneau publicitaire d'un ancien opticien qui observe la ville de ses yeux délavés comme une figure omnisciente et surplombante qui jauge les reins et les cœurs.
Après le motif de la vallée des cendres, c'est celui de la lumière verte au bout de la jetée de la demeure de Daisy que Gatsby essaye de toucher du doigt au loin qui nous donne un premier aperçu de son personnage avant d'être présenté en bonne et due forme au narrateur, Nick Carraway, lors de la célèbre "party". La lumière verte, c'est peut-être ce qui est le plus réussi dans le film de Baz Luhrmann. Ce n'est pas pour rien que c'est par cette lumière que le film commence et se termine comme si elle était le symbole de la quête impossible de Gatsby pour rejoindre une partie de lui-même perdue au large, dans son passé, sans pouvoir jamais l'atteindre pour en même temps revivre le passé et vivre le présent. La lumière verte, c'est le temps qui défile, les occasions manquées, les souvenirs qui s’effacent et finalement soi-même qui, à chaque instant, change sans être jamais égal à soi-même. Ce n'est pas la quête idéaliste de son amour perdu et impossible aujourd'hui, la lumière verte est de bout en bout pour Gatsby une quête de soi qui ne peut pas aboutir parce qu'il ne peut pas toucher du doigt ce qui n'est pas à sa portée.
"J'ai eu le sentiment qu'il était en quête de quelque chose, une idée de lui-même peut-être, qui s'était égarée lorsqu'il avait aimé Daisy. Du jour où il l'avait aimé, sa vie n'avait plus été que désordre et confusion. Mais s'il pouvait refaire le chemin pas à pas, revenir à l'endroit précis où tout a été joué, il finirait par découvrir l'objet de sa quête..."
Quant à Gatsby lui-même, je crois que seul Leonardo Di Caprio a su comprendre l'extrême profondeur de son personnage en essayant tant bien que mal, dans un film qui ne lui en donnait pas la place, de le faire transparaître au spectateur critique. Ce n'est pas en montrant Gatsby sur fond de feu d'artifice qu'on le rend "magnifique", ni en le faisant rouler à fond de train dans une belle bagnole jaune. Justement, il aurait fallu faire de Gatsby l'éternel personnage qu'on voit au clair de lune, le bras tendu vers la lumière verte. J'aurais voulu que le film mette en valeur son personnage principal en maximisant l'aura mystérieuse qui s'en dégage pour que le spectateur crève d'envie de le percer à jour, de dévoiler son secret, pour, en fin de compte, en bon perdant, avouer forfait pour que Gatsby demeure un mystère à jamais.
Le roman de Fitzgerald réussit ça très bien grâce à un seul motif : le sourire le Gatsby, qui ouvre toutes les possibilités, qui nous laIsse indécis sur ses intentions.
"Il me sourit avec une sorte de complicité - qui allait au-delà de la complicité. L'un de ces sourires singuliers que l'on ne rencontre que cinq ou six fois dans une vie, et qui vous rassurent à jamais. Qui, après avoir jaugé - ou feint peut-être de jauger - le genre humain dans son ensemble, choisit de s'adresser à vous, poussé par un irrésistible préjugé favorable à votre égard. qui vous comprend dans la mesure exacte où vous souhaitez qu'on vous comprenne, qui croit en vous comme vous aimeriez croire en vous-même, qui vous assure que l'impression que vous donnez est celle que vous souhaitez donner, celle d'être au meilleur de vous-même."
Un tel mystère laissé intact, cela aurait demandé un travail de profondeur sur les personnages et leurs situations et donc, Baz Luhrmann aurait dû faire des concessions et laisser de coté au moins une seconde sa maraude esthétisante qui, finalement, donne à l'ensemble un aspect beaucoup plus kitch et ridicule que véritablement beau. Cet esthétisme à tout va qui avait été justement dosé dans Moulin Rouge ou dans Roméo+Juliet par exemple frôle l'over-dose, d'où l'indigestion de trois semaines pour pouvoir enfin parler de cette adaptation en toute lucidité. J'imagine que ces images tapent-à-l’œil ont dû émerveiller certains, d'autres y ont même peut-être vu par pure mauvaise foi une sorte de symbolisme pour représenter la folie des années folles d'après guerre où, malgré la période de prohibition, tout semblait permis et où l'alcool coulait à l'infini. S'il fallait pointer dans ce film quelque chose d'horrible, ça serait sans conteste les scènes de fêtes qui sont à la limite du vulgaire et qui vous donne tout sauf l'envie d'y participer..
Et le grand amour de Gatsby, Daisy, dans tout ça ? Je n'avais pas fait le rapprochement en salles mais autant Carrey Mulligan m'avait enchantée dans An Education, autant dans Gatsby, elle a beau être exquisement belle, il lui manque un je-ne-sais-quoi pour incarner à la perfection Daisy qui semble avoir dans le roman une aura à la fois sensuelle et virginale, femme fatale et femme-enfant. Malgré l'une de mes scènes préférées où elle apparaît pour la première fois, celle des rideaux blancs qui virevoltent dans la pièce à l'arrivée de Nick, elle parait trop sérieuse, pas assez vivante. Daisy a dans mon esprit l'aspect du rêve et le contraste entre le souvenir lisse et innocent que Gatsby conserve d'elle et l'insouciance, l'irresponsabilité de sa vie mondaine et oisive de femme mariée est presque trop vivante pour correspondre à son image en papier glacé que Gatsby voudrait retrouver et faire revivre. Daisy est la vie même alors que c'est la nostalgie d'un passé où Daisy n'est plus ce qu'elle est aujourd'hui qui est au coeur du drame que vit Gatsby et auquel il ne pourra jamais se remettre. Je dirais donc que Carrey Mulligan n'a pas cette vitalité : elle est trop passive, trop dépressive pour exciter le désir comme Daisy semble le faire dans le roman où rien que son visage rayonne d'une aura particulière :
"Son visage était triste et tendre avec de beaux éclats, l'éclat du regard, l'éclat brûlant des lèvres - mais on percevait dans sa voix une note d'excitation dont les hommes qui l'ont aimée se souviendront toujours : une vibration musicale, une exigence impérieuse et chuchotée : "Ecoutez-moi, écoutez-moi !", l'assurance qu'elle venait tout juste de vivre des instants radieux, magiques, et que l'heure suivante lui en réservait d'autres, tout aussi magiques et radieux."
J'aurais voulu suivre le conseil du père de Nick Carraway rappelé au début du roman : "Réserver son jugement est une preuve d'espoir infini " et l'appliquer à ma critique du film eu égard au roman d'origine mais je ne suis pas arrivée à espérer quoi que ce soit de ce film, si ce n'est d'attendre une meilleure adaptation, soit future, soit ancienne en regardant enfin l’adaptation que tout le monde semble louer avec Robert Redford.
Si selon Fitzgerald, "pour observer la vie sous le meilleur des angles, mieux vaut rester à la même fenêtre", je crois que pour apprécier ce film, mieux vaut multiplier les points de vue en allant lire des critiques meilleurs que la mienne par exemple chez Emma, chez Summerdayou chez'Anne-Marie Baron.
"What use our work... if we cannot care for those we love?"
Synopsis
Avril 1889. Six mois après les derniers crimes de Jack l’Éventreur, son ombre plane toujours sur Londres et Whitchapel, le quartier des prostituées, des juifs et des taudis où il a sévi. Pourtant, le travail de la Metropolitan Police et de l'inspecteur Edmund Reid (Matthew MacFadyen) continuent avec l'aide de l'agent Bennet Drake (Jerome Flynn), de son chirurgien américain Homer Jackson (Adam Rothenberg) et de la complicité de Long Susan qui dirige une maison close à Tender Street. La criminalité ne cesse d'augmenter et le souvenir du "Ripper" est grand, surtout lorsqu'une prostituée est retrouvée eventrée, visiblement d'après le rituel du célèbre meurtrier. Est-ce une mise en scène macabre ou le vrai signe de son retour ?
Déjà dans Les Pilliers de la Terre, j'avais commencé peu à peu à me réconcilier avec Matthew MacFadyen, un acteur avec pourtant un gros potentiel mais qui, jusqu'à ce jour, ne m'avait jamais vraiment convaincue dans ses rôles, Mr Darcy inclus. Mais ça, c'était avant Ripper Street qui ne serait rien sans Matthew MacFadyen, lui qui joue l'inspecteur qui a enquêté sans succès sur l'affaire du "Ripper" et qui est torturé par la disparition de sa fille, refusant contrairement à sa femme d'en faire le deuil. Il s'est enfin trouvé un rôle à la hauteur de son talent et sa voix rauque ne peut rendre que plus crédible ce personnage brisé et pourtant forcé de continuer son travail au détriment de sa vie privée.
L'autre surprise de cette série, c'est de retrouver autant de bons acteurs, pour la plupart tout droit venus de Game of Thrones. Le temps d'un épisode, "The Weight on One Man's Heart", Jerome Flynn comme acteur régulier connu pour son rôle de Bronn dans GoT est confronté à un test de loyauté quand il retrouve son ancien colonel Faulkner, joué par Iain Glenn qui joue le sexy Jorah Mormont et dont je ne me lasserai jamais de sa voix rauque.
Bref, on ne s'en lasse pas et, mise à part les têtes connues, j'ai été charmée par la personnalité haute en couleur de l'Américain de service, le "Captain" Jackson (Adam Rothenberg) qui a tout les qualités réunis pour devenir un personnage inoubliable et attachant : ivrogne, malpropre, en cavale, locataire dans une maison close, tricheur et imbattable quand il s'agit de sauver sa peau.
L'autre atout de Ripper Street, c'est son réalisme et à quel point on frémit dans cette atmosphère putride, vicieuse et dangereuse du Londres victorien sous la menace du retour du "Ripper" qui défie non seulement la couronne, la police mais aussi la sécurité des grands comme des petites gens. Mais plus que tout, c'est le trio mal assorti de l'inspecteur Reid, de l'agent Drake et de Jackson qui donne autant de panache à cette série qui, certes, a du mal à démarrer mais qui vous mettra en haleine jusqu'à la fin dès le troisième épisode. C'est certain, l'atmosphère est souvent sombre mais le cynisme et l'humour de Ripper Street donne à toutes ces affaires macabres un soupçon divertissant et excitant qui ne les quitte pas jusqu'au finale de la saison 1 où courriers du coeur, enlèvement de jeunes filles et proxénétisme sont au rendez-vous pour votre plus grand plaisir.
L'atout de charme parmi ce monde d'hommes est bien sûr le casting féminin qui, non seulement nous fait rentrer dans le monde sulfureux et scandaleux de la prostitution, avec Susan (Amanda Hale) pour le rôle principal mais aussi des femmes respectables comme la femme de l'inspecteur Reid, Emily dont la dévotion religieuse lui permet d'oublier son chagrin mais surtout la directrice d'un orphelinat juif, Deborah Goren qui est un personnage bluffant, tout ne profondeur et en humanité. Et, pour la fan de mode victorienne que je suis, la garde de robe de ses dames, surtout des prostituées, ne peut que me faire saliver d'envie.
Après ces huit épisodes haletants, on ne peut qu'en redemander, déçue de ne pas pouvoir en voir plus et complètement impatiente de connaitre la suite des enquêtes de l'inspecteur Reid dans la saison 2, prévue seulement en 2014.
Ripper Street (2012-...), une production de BBC One, créée par Richard Warlow en huit épisodes de 60 minutes. Avec Matthew MacFadyen (Inspecteur Edmund Reid), Jerome Flynn (Bennet Drake), Adam Rothenberg) et Amanda Hale (Long Susan).
Pour l'instant seulement disponible dans les pays anglophones pour £12.75. Saison 2 programmée pour 2014.
Quatrième contribution au mois anglais organisé par Lou et Titine.