Joyeuse Saint-Patrick !
Pour l'occasion, "
Un mois, un extrait" prend ce mois-ci les couleurs de l'Irlande en mettant à l'honneur Oscar Wilde, l'un de mes auteurs fétiches qui fait partie avec James Joyce des plus célèbres auteurs irlandais.
Petite piqûre de rappel sur ce rendez-vous mensuel sur mon blog:
Qu'est-ce qu'"Un mois, un extrait" ?
C'est un rendez-vous mensuel que j'ai créé pour varier mes lectures et multiplier les moments de partage entre ceux qui me lisent et moi-même.
Avant chaque premier du mois, il suffit de
me contacter et de me faire parvenir vos idées
soit par courriel (l'adresse est disponible dans la rubrique « Contact », voir en haut de page), soit me laisser un commentaire en bas de ce billet ou sur la page Facebook de « La Bouteille à la Mer ».
Vous pourrez écrire votre propre article en invité. Aucune obligation de posséder un blog ou d'être un(e) grand(e) spécialiste en littérature. C'est surtout le partage qui compte qui que vous soyez et quelques soient vos goûts. Je suis toujours curieuse de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux genres et c'est l'occasion !
"Dans les épisodes précédents", "Un mois, un extrait" a fait découvrir :
Vous pouvez retrouver l'intégralité des articles et leurs extraits dans la rubrique "Un mois, un extrait" en haut de page
L'extrait qui va suivre est tiré de la lettre écrite par Oscar Wilde à son amant Alfred Douglas, mieux connue sous le titre De profundis, écrite dans sa geôle dans la prison de Reading. C'est plus ou moins à l'identique le texte que j'ai dû traduire et commenter il y a deux ans à l'épreuve d'anglais de l'ENS de la rue d'Ulm. Une fois n'est pas coutume, je l'ai laissé tel quel en anglais ce qui restitue mieux l'expressivité de cette lettre.
Ces quelques lignes traduisent ce qui se joue dans l'expérience de la prison et de ses effets une fois sa libération acquise. L'imminence de la liberté telle qu'Oscar Wilde l'entrevoit, loin d'être idéalisée, est regardée en face non seulement pour la masse des inconnus incarcérés mais surtout pour celui qui, après avoir été réduit à n'être qu'un homme comme les autres parmi les gens du commun, ne pourra pas passer inaperçu une fois dehors. La satire sociale dénonce dans quel état d'abandon la société laisse les anciens détenus, sans égard au mal infligé.
Mais, Wilde fait forcément exception. Face à la destruction, la bêtise et la méchanceté du dehors, c'est par la création et l'art qu'il pourra atteindre sa véritable libération. Se reconstruire passe par là où l'artiste et l'homme qui a souffert, la perfection et l'imperfection ne feront qu'un.
Étrangement, ce témoignage sur l'expérience carcérale entre en résonance avec une programmation sur la prison toute une journée sur France Culture qui avait pour thème
"24h en prison: Surveiller, punir... et après ?" et qui m'avait beaucoup touché. Si vous l'avez raté, et que le sujet vous intéresse, vous pouvez toujours podcaster les émissions de cette journée sur le site de France Culture, notamment un entretien avec
Gabriel Mouesca, un militant indépendantiste basque qui a passé 17 ans en prison pour ses idées.
Oscar WILDE - De Profundis
|
Oscar Wilde |
« Many men on their
release carry their prison about with them into the air, and hide it
as a secret disgrace in their hearts, and at length, like poor
poisoned things, creep into some hole and die. It is wretched that
they should have to do so, and it is wrong, terribly wrong, of
society that it should force them to do so. Society takes upon itself
the right to inflict appalling punishment on the individual, but it
also as the supreme vice of shallowness, and fails to realise what it
has done. When the man’s punishment is over, it leaves him to
himself; that is to say, it abandons him at the very moment when its
highest duty towards him begins. It is really ashamed of its own
actions, and shuns those whom it has punished, as people shun a
creditor whose debt they cannot pay, or one on whom they have
inflicted an irreparable, an irremediable wrong. I can claim on my
side that if I realise what I have suffered, society should realise
what it has inflicted on me; and that there should be no bitterness
or hate on either side.
|
Alfred Douglas |
Of course I know that
from one point of view things will be made different for me
than for others; must indeed, by the very nature of the case, be made
so. The poor thieves and outcasts who are imprisoned here with me are
in many respects more fortunate than I am. The little way in grey
city or green field that saw their sin is small; to find those who
know nothing of what they have done they need go no further than a
bird might fly between the twilight and the dawn; but for me the
world is shrivelled to a handsbreadth, and everywhere I turn my name
is written on the rocks in lead. For I have come, not from obscurity
into the momentary notoriety of crime, but from a sort of eternity of
fame to a sort of eternity of infamy, and sometimes seem to myself to
have shown, if indeed it required showing, that between the famous
and the infamous there is but one step, if as much as one.
Still, in the very fact
that people will recognise me wherever I go, and know all about my
life, as far as its follies go, I can discern something good for me.
It will force on me the necessity of again asserting myself as an
artist, and as soon as I possibly can. If I can produce only one
beautiful work of art I shall be able to rob malice of its venom, and
cowardice of its sneer, and to pluck out the tongue of scorn by the
roots.
And if life be, as it
surely is, a problem to me, I am no less a problem to life. People
must adopt some attitude towards me, and so pass judgment, both on
themselves and me. I need not say I am not talking of particular
individuals. The only people I would care to be with now are artists
and people who have suffered: those who know what beauty is, and
those who know what sorrow is: nobody else interests me. Nor am I
making any demands on life. In all that I have said I am simply
concerned with my own mental attitude towards life as a whole; and I
feel that not to be ashamed of having been punished is one of the
first points I must attain to, for the sake of my own perfection, and
because I am so imperfect. »
Où se procurer De profundis ?
Vous pouvez lire cette lettre dans son intégralité en français dans son édition GF pour
EUR 6, 65 et en langue originale pour
EUR 3, 76.
J'ai lu ce texte il y a à peu près deux millions d'années (au moins), mais c'est un ouvrage fabuleux. Merci de le faire sortir des tréfonds de ma mémoire!