L'époque victorienne est une période qui me passionne, même quand il s'agit de romans néo-victoriens comme ceux de
Michel Faber alors quand on a dans les mains un roman écrit à quatre mains par deux maîtres de l'époque, Charles Dickens et William Wilkie Collins comme
L'abîme (ou
Voie sans issue selon les éditions), on ne peut qu'être ravie. Dans ces conditions, on a toujours tendance à vouloir décrypter le roman en repérant le style d'écriture de chacun d'eux, la part de Dickens et celle de Wilkie Collins. C'est un réflexe que j'ai eu malgré moi au début de ma lecture mais par paresse peut-être et surtout faute de connaître à la perfection leur univers respectif et leurs thèmes récurrents, j'ai préféré laisser de coté cette idée. Après tout, on en rate peut-être aussi l'unité et à quel point une telle œuvre doit être concertée, discutée, réfléchie.
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Charles Dickens dans Doctor Who (2005)
"The Unquiet dead" (Saison 1) |
Je préfère voir L'abîme comme un roman hybride, un peu étrange notamment dans sa forme. Chaque chapitre fait référence au monde du théâtre : « ouverture », « le rideau se lève », l'entrée ou la sortie de tel personnage. Pourtant, L'abîme a tout d'un roman presque traditionnel avec un jeu sur les éléments romanesques de l'intrigue – à la limite du vraisemblable – rendu possible par des scènes de rencontre ou de reconnaissance ce qui explique la place accordée au monde de l'orphelinat et au mystère qui entoure l'identité de certains personnages. Tout s'explique quand on sait que No Thoroughfare a aussi été une pièce de théâtre, « a drama, in Five Acts », écrite la même année pour Noël 1867 avec la même intrigue sans différence notoire.
De cet univers de la scène, L'abîme en retient certains éléments comme les coups de théâtre autour notamment de la véritable identité de celui qui est appelé Walter Wilding, les personnages qui répondent souvent à des « caractères » ou des types comme la « mère coupable », le bourgeois ou la pupille Marguerite, parfaite Rosine du Le Barbier de Séville à l'époque victorienne. Je pense qu'il y a beaucoup d'ironie de la part de Dickens et Wilkie Collins dans ces personnages un peu caricaturaux qui ont la larme facile, le cœur sur la main ou l'obsession du meurtre. Le voyage final en Suisse a quelque chose aussi de parodique avec son traitement très romantique de l'univers montagnard à la fois exalté et redouté pour le danger que les montagnes et ses « abîmes » représentent. L'abîme est avant tout un drame mais on rit aux dépends des personnages de leurs excès, eux qui posent beaucoup, et du manichéisme poussé à l'extrême. Bien sûr, certains personnages sortent du lot comme Joey, plus attendrissant qu'agaçant pour sa simplicité et ses superstitions ou Marguerite, pratiquement seul personnage féminin, présentée au début comme « une faible femme » qui s'affirme de plus en plus jusqu'au moment crucial.
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William Wilkie Collins |
Autant L'abîme, quoique cette traduction du titre laisse un peu à désirer, que Voie sans issue insistent bien sur cet aspect dramatique et pourtant, ce que je retiens particulièrement de ce roman, c'est la place importante qu'occupe l’énigme, le mystère à tel point que le lecteur est invité à être aussi perspicace que devant un roman policier qui est après tout le grand genre de Wilkie Collins. On ne sait plus qui est qui, qui trahit qui et même si je ne considère pas L'abîme comme un « chef d'œuvre » (le mot est jeté pourtant sur la quatrième de couverture), il a le mérite de nous surprendre ce qui en fait une lecture très agréable.
Ce roman m'a donnée très envie de plus approfondir l'univers de ces deux auteurs (et autant ma bibliothèque que ma PAL comptent beaucoup de Wilkie Collins non lus !) et pourquoi pas des romans dérivés comme le roman néo-victorien Drood de Dan Simmons qui met en scène les deux auteurs dans une sorte d'intrigue policière. Il faut dire que Wilkie Collins, en fumeur d'opium invétéré, a tout d'un personnage décadent ! Rien que la couverture mystérieuse du roman me fait de l’œil !
Vous pouvez en lire la critique sur
Biblioblog et acheter le roman de Dan Simmons au prix de
EUR 22, 70 sur
Amazon. (un peu cher malheureusement après les fêtes !)
Vous pouvez trouver
L'abîme au choix aux éditions du Masque pour
EUR 6, 93 sur
Amazon mais il en existe une autre édition chez 10/18 avec pour titre
Voie sans issue mais exclusivement
en occasion.
J'en profite pour vous souhaiter tous mes vœux pour cette nouvelle année. Qu'elle soit riche en découvertes autant livresques que culturelles !
Je ne parle pas assez à mon goût de cinéma ou de séries quoique la BBC avec
Jane Eyre ou
North & South soit bien mise à l'honneur ici. Je revois
Downton Abbey en ce moment et je pense depuis cet été à vous parler de la série
Robin des Bois (BBC) qui a fait connaître Richard Armitage que j'ai retrouvé avec plaisir sous les traits de Thorin dans
The Hobbit dernièrement.
2013 sera aussi une année sous le signe de Sherlock Holmes et j'en profiterai sûrement pour revoir la série de la BBC Sherlock (dans l'attente d'une autre saison !) ce qui me donnera l'occasion d'analyser leur travail d'adaptation par exemple à partir de A Study in Scarlet ou Le chien des Baskerville qui m'attendent sagement dans ma PAL.
Ceux qui suivent
ma page Facebook le savent déjà, grâce au challenge organisée par
Lou, cette nouvelle année ne se fera pas sans lire, découvrir et redécouvrir du Virginia Woolf. J'ai choisi le
niveau Mrs Dalloway soit au moins cinq romans (
Mrs Dalloway relue en anglais,
Entre les actes,
Flush,
Trois guinées et/ou
Une chambre à soi et
La Traversée des apparences), un livre dérivé (
The Hours de Michael Cunningham) et une biographie de l'auteur (surement le
Virginia Woolf d'E.M Forster). Quand on aime, on ne compte pas !
Encore un article très intéressant !
Je suis vraiment contente d'être tombé sur ton blog quand je remarque avec quel plaisir je lis tes chroniques ;)
J'attends aussi impatiemment que tu nous parle de la serie BBC Robin des bois :p histoire de me convaincre de reprendre le visionnage :D
Bonne chance pour ton challenge sinon !