Qu'est-ce qu'"Un mois, un extrait" ?
C'est un rendez-vous mensuel que j'ai créé pour varier mes lectures et multiplier les moments de partage entre ceux qui me lisent et moi-même.
Avant chaque premier du mois, il suffit de
me contacter et de me faire parvenir vos idées
soit par courriel (l'adresse est disponible dans la rubrique « Contact », voir en haut de page), soit me laisser un commentaire en bas de ce billet ou sur la page Facebook de « La Bouteille à la Mer ».
Vous pourrez écrire votre propre article en invité. Aucune obligation de posséder un blog ou d'être un(e) grand(e) spécialiste en littérature. C'est surtout le partage qui compte qui que vous soyez et quelques soit vos goûts. Je suis toujours curieuse de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux genres et c'est l'occasion !
"Dans les épisodes précédents", "Un mois, un extrait" a fait découvrir :
#1 : L'Idiot de Fiodor DOSTOÏEVSKI
#2: Le Problème de la souffrance. de C.S Lewis
#3: La triste Fin du petit Enfant Huître et autres histoires de Tim Burton.
#4: "Éclaircie en hiver" in Pièces de Francis Ponge
Vous pouvez retrouver l'intégralité des articles et leurs extraits dans la rubrique "Un mois, un extrait" en haut de page
Ce
mois-ci, j'ai été inspirée par les traditionnels vœux de bonne
année. C'est le passage obligé après les fêtes et pendant un
mois, ce moment est toujours assez délicat. On peut pécher parfois
par manque d'originalité ou de créativité. En un mot, les vœux de
bonne année n'auraient rien d'un exercice littéraire !
Ce
n'est pas le cas chez Baudelaire dans son poème en prose « Un
plaisant » dans Le Spleen de Paris. Baudelaire y narre une anecdote déplaisante le
soir de la Saint-Sylvestre au coeur de Paris avec l'ironie et le mordant qui le
caractérise. Si la tradition est banalement respectée avec des vœux
apparemment anodins (« Je vous la souhaite bonne et heureuse ! »), elle est d'autant mieux détournée pour le bien de la critique. Quel en est l'objet ? Ou plutôt qui ?
C'est "l'esprit de la France" incarné
par les personnages de l'anecdote. Baudelaire, qui se pose en
observateur critique, y voit l’œuvre de la bêtise, de la « complaisance » chez ceux qui suivent une tradition à la lettre au point de souhaiter la bonne
année à n'importe qui, même à un âne...
Charles BAUDELAIRE
Le Spleen de Paris ou Petits poèmes en prose
IV - UN PLAISANT
C’était l’explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d’une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort.
Au milieu de ce tohu-bohu et de ce vacarme, un âne trottait vivement, harcelé par un malotru armé d’un fouet.
Comme l’âne allait tourner l’angle d’un trottoir, un beau monsieur ganté, verni, cruellement cravaté et emprisonné dans des habits tout neufs, s’inclina cérémonieusement devant l’humble bête, et lui dit, en ôtant son chapeau : « Je vous la souhaite bonne et heureuse ! » puis se retourna vers je ne sais quels camarades avec un air de fatuité, comme pour les prier d’ajouter leur approbation à son contentement.
L’âne ne vit pas ce beau plaisant, et continua de courir avec zèle où l’appelait son devoir.
Pour moi, je fus pris subitement d’une incommensurable rage contre ce magnifique imbécile, qui me parut concentrer en lui tout l’esprit de la France.
Où se le procurer ?
Les Petits poèmes en prose (ou
Le Spleen de Paris) est disponible en Pocket pour
EUR 3, 04.
Très bon choix d'extrait ;)
Baudelaire est un de mes poètes préférés avec Rimbaud :)